Lombricompost aéré : la méthode « semi humide ».

Comme je vois souvent passer des questions sur l’humidité excessive d'un lombricompost, les moyens pour s’en défaire etc… Je me permets de présenter mes silos qui sont conçus principalement pour évaporer l’eau non nécessaire au processus de compostage.

Ces silos ne sont pas des contenants hermétiques mais des surfaces d’échange avec l’air, partant du principe que s’il faut bien une phase humide pour démarrer le compostage, il est plutôt nuisible d’avoir un composteur hermétique de bout en bout. Les poches d’eau présentent un trop grand risque de fermentation, de ponte d’insectes volants et surtout la nuisance d’un volume inutile d’eau.
Ce design simplifie le système des plateaux en le réduisant à deux espaces : un où se concentrent les lombrics la plupart du temps et l’autre où ils sont versés temporairement, le temps de migrer hors des matières compostées qui sont ainsi ressuyées, déshumidifiées.

drycompost

Le cylindre aéré simule un sol forestier qui draine les liquides issus des vers comme un tampon spongieux et les intègre à l’humus. De cette façon on ne produit pas de ‘jus’ ou de ‘thé’ de lombrics mais tous les éléments nutritifs se retrouvent dans un terreau souple, immédiatement utilisable en sortie de composteur. Avec cette disposition les vers sont repoussés vers la « surface » ( le fond du seau à biodéchets) par un gradient de sécheresse qui s’installe en quelques jours par tous les côtés du composteur qui en réalité n’est qu’un tube de géotextile aéré .

L’aération passive et permanente garantit une bonne installation des bactéries aérobies et de champignons et offre la commodité d’un « espace sec » qui permet de sécher des déchets jugés non compostables (choux, poireau, agrumes…) avant de les laisser composter aux vers. Les joints géotextiles du silo assurent une totale étanchéité contre les insectes volants, tandis que l’eau et l’air circulent librement, assurant une réduction effective des matières.
Je peux certifier aux sceptiques que tout est compostable dans ces conditions, des agrumes aux choux et des crevettes jusqu’au gras de canard… et cela avec les additifs usuels : coquilles d’œuf et papier kraft.

Le "dry" compost et le lombricompost "Juiceless"



Pour répondre aux questions sur mes silos aérés et sans "jus de lombrics" voici ma doctrine sur la question. Doctrine d'autodidacte, mais qui composte chaque gramme de carbone à sa portée depuis 10 ans.

Pour moi, le but du compostage est de reproduire les conditions dans lequelles l'humus forestier se crée et se maintient. On parle beaucoup de la composition du compost mais la structure du sol que l'on veut produire importe aussi. Et cette structure est donnée dès le moment où on entasse ses matières organiques. Incorporer des copeaux, de la paille ou brisures de bois donne tout de suite la bonne aération et compense l'humidité des autres déchets.

Tout cela favorise les champignons qui sont le ciment de l'organisation du sol. Un sol forestier est très perméable et se comporte comme une éponge. Il laisse passer beaucoup d'eau mais en retient suffisament. Il est autant rempli d'air que d'humidité. Et cette éponge offre une surface d'échange maximale entre les matières, le mycélium et l'air, c'est pourquoi les champignons apprécient cette configuration.
Juiceless
Faites le test avec un morceau de pain atteint par un peu de moisissure: installé dans un compost, il va être gagné totalement par des filaments de mycélium parce qu'il est un support idéal de culture: des fibres, des sucres et une structure uniformément aérée, avec juste l'humidité qu'il faut dans toutes les directions. Le substrat parfait.

Quand on parle de compost "dry", on ne parle pas d'une masse sèche, mais d'un substrat humide et aéré comme une éponge essorée. Pour la terre agricole on utilise l'adjectif "ressuyée" qui dit exactement cela: toute l'humidté qui peut être retenue l'est, en même temps que l'air circule librement.

Le principe de mes silos est donc de garantir à tout instant cette aération grâce à la taille et à la forme circulaire des composteurs. On peut parler d'aération passive parce que de cette façon un brassage manuel et répété est moins nécessaire.

Cette aération doit etre assurée d'un bout à l'autre de la production de compost et elle est même la solution pour réaliser un "compost perpétuel". Par compost perpétuel, j'entend une masse de déchets qui une fois compostée (après 5 mois typiquement) digère indéfiniement de nouveaux biodéchets et conserve un état légèrement humide, spongieux et souple.

Le métabolisme des champignons bactéries et autres micro organismes suffit, avec l'évaporation de l'eau à faire que ce compost croisse très peu en volume. Il est conservé à la maison comme un animal de compagnie ou une sorte de mère de vinaigre ou de kombucha.

"Juiceless" ?


L'idée de mes composteurs à lombrics est aussi d'aérer bien plus les matières, à la différence des gros composteurs qui se tassent sous leur poids et produisent compression des matières et odeurs. Les boites à lombrics sont conçues comme des espaces assez hérmétiques et inévitablement des acculumulations humides s'y produisent. J'ai décidé à la fois d'aérer et de simplifier au maximum le design du lombricomposteur.
Comme il faut plusieurs compartiments pour pouvoir séparer les vers de la terre une fois compostée, il suffit de distinguer deux espaces:

  • Un où se concentrent les biodéchets frais, les vers et l'humidité.
  • et l'autre où la terre et le jus s'écoulent et se ressuyent.
Ce compartiment bas est rempli au départ de terreau, ou de compost obtenu par ailleurs, et il sert de tampon d'humidité. Il sera cette éponge qui joue le rôle du sol forestier. Il est capable de recevoir de l'humidité en permanence car il est aéré en permanence: le solde d'humidité relative est constant.

Juiceless

L'ensemble vers + matières compostées est reversé dans le sac inférieur une fois tous les 30-40 jours et les vers remontent ensuite au fur et à mesure que le gradient d'humidité se reforme, c'est à dire que le bas redevient plus sec et le fond du seau plus humide avec l'apport de nouvelles épluchures etc... Juiceless2

Notre manuel pour démarrer un lombricompost résume ces manipulations.

Fondamentalement j'ai jamais trop saisi pourquoi les lombricomposteurs hermétiques présentaient comme un avantage le fait de produire du jus. Ce n'est pas quelque chose qu'on voit dans la nature...En fait c'est juste une contrainte de leur choix de design.
De plus le mucus que les vers produisent, qui est une sorte de gel liquide, a un rôle dans le sol pour lui donner de la résilience contre la sécheresse. De mon point de vue il est un peu tiré par les cheveux de soustraire un élément de l'humus pour ensuite dire "versez-le dans la terre comme engrais".


Ma philosophie en 4 tshirts. [1/4]

Look Ma
Vous souvenez-vous à quel âge vous avez appris à allumer la lumière ? A ouvrir un robinet ?
A jeter un objet à la poubelle ? Vous étiez sans doute si jeune que vouloir rééduquer ce geste ou modifier son sens provoquerait des résistances. On peut comprendre les phobiques du tri des déchets, du compost, de la récup': comment les contraindre à conserver et choyer ce qu'enfant, on leur a commandé d'évacuer. Pour eux c'est le compostage qui semblera régressif.
Composter est un geste simple qui restitue une matière organique à sa matrice naturelle, nous le savons. Mais cette évidence se heurte à un apprentissage ancien et puissant: l'enfant sait se tenir quand il sait mettre à l'écart le sale, se défaire -et donc se distinguer- du rebut, voire du potentiel danger.
La spontanéité de ce geste qui laisse la pomme croquée redevenir une partie de terre fertile est inhibée par le réflexe profond d'occulter ce qui n'est plus immédiatement consommable. Ce qui a cessé de servir devient l'anti-utile, l'obstacle. Ce n'est pas seulement une nuisance mais une souillure pour la personne elle même. Vite, le couvercle de la poubelle se rabat, l'enfant est soulagé, c'est le couperet de l'utilité et de la propreté qui soustrait à sa vue le méchant trognon.
Réconciliez donc votre maman avec Mère Nature, montrez-lui que composter, c'est s'accorder à un ordre plus vaste où rien ne manque et où rien n'est de trop.
Look Ma'...I'am RECYCLING !

Ma philosophie en 4 tshirts. [2/4]

MatiereOrganique
La main invisible du "laissez faire" travaille souvent pour une main très visible qui pille les ressources naturelles, mais il existe une vraie main invisible, qui arrange, répare et nourrit, c'est celle du sol. Disons que c'est plutôt une patte ou une mandibule, et plutôt des myriades de milliards.
Tout ce sol vivant toute cette matière organique active, tantôt mangée, tantôt mangeuse, vit sous nos pieds et s'autogère sans problème depuis très très très très longtemps. Composter ce n'est rien faire de particulier sinon laisser agir cette terre vivante qui, même au repos, même rendue à l'apparence d'un déchet, ne cesse pas d'être généreuse et fertile. C'est le vrai 'laisser faire'.

Nec nulla interea est inaratae gratia terrae.
"Pendant ce temps, la terre non cultivée ne cesse pas d'être généreuse." Virgile Géorgiques
Se reposer sur cette terre, c'est avoir confiance et laisser agir, même ce qui est souterrain, invisible, et globalement inconnu dans ses infinis détails. Etes-vous si sûrs d'avoir conservé ce lien de confiance quand vous demandez angoissé "Que vais-je faire de tout mon compost, où vais-je le mettre, où va t-il aller ?"
Du calme jeune padawan, La-Terre-Ne-Va-Nulle-Part.
Si on lui rend ce qui lui revient, elle s'auto consomme et s'auto alimente.
Là où est est, elle agit, et tout y est à sa place.
Le compost que vous produisez n'est pas un résidu mais un outil, une puissance en soi.
Il n'est pas juste quelque chose de 'composté'' mais 'IL composte', tout seul, indéfiniment.
Il respire, digère, il est l'éco système par excellence, le 'sans déchet', autonome et autotrophe.

Mesurez l'éloignement, pour ne pas dire l'aliénation de nos contemporains à qui il faut présenter des gadgets écolos connectés qui leur garantissent des plantes qui poussent avec un microprocesseur, sans OGM ni pesticides, mais avec des leds multicolores et heureusement une consommation électrique de moins de 12V !.
On a réussi à expliquer aux plantes comment pousser, que demande le peuple !
Mettez donc en jachère ce désir de tout optimiser, et laissez la terre caler ses rendez vous elle-même.
Essayez la matière organique !


Ma philosophie en 4 tshirts. [3/4]


loop

Alors oui, disons-le pour rassurer les geeks 🎮 et les affolés de l'optimisation:
Il y a bien quelques étapes techniques à respecter quand on composte...
Mais rassurons l'écolo 🌳 à l'écoute du rythme naturel:
Il s'agit surtout de lancer une boucle de routine et de veiller à quelques détails
avant de se laisser porter, une fois que le coup de main est pris.
Revue des breakpoints du processus:
1	waste w = (organic):
// Attention faux ami : "organique" ne veut pas toujours dire "bio".
// heureusement qu'on peut aussi -et qu'on doit- composter des légumes non bio... 2 fruits}; 3 vegetables}; // On commence avec du végétal mais une fois la première boucle de terre vivante achevée
// des éléments carnés peuvent être compostés en respectant une proportion raisonnable (3%). 4 brown papers}; // Le papier kraft est OK pour les lombrics, mais plutôt copeaux de bois dans le compost classique. // TODO : ajouter des copeaux de bois pour maintenir le rapport carbone / azote. 6 {[cut]+[mix](all)} ; // Tout mettre en vrac ne suffit pas. On veut avoir un substrat aéré et homogène.
// donc on coupe les gros morceaux et on brasse. 7 w * mushrooms ~ worms ; // Les champignons, acariens, bactéries, collemboles agissent avant les vers
// qui eux affinent et mélangent tout dans un vrai sol. 8 wait(); // Attendre ce n'est pas rien faire. La permaculture, qui commence avec le compostage
// est l'art de l'observation et de la réactivité. 9 return : 10 nice_compost ; // Ce qui sort de la boucle est bien plus qu'un résidu ou un 'produit'
// c'est une terre vivante qui ne cessera pas de composter ce qu'on lui donnera.
Compostez et vous tiendrez l'équilibre entre le savoir faire et le laisser faire.
Entrez dans la Compost Loop !


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